Qu’est-ce qu’un Junmai?
Comme vu dans le classement des sakés, le Junmai 純米 (pur riz) est une des catégories de sakés classés (TOKUTEI MEISHOSHU 特定名称酒) auxquels aucun alcool distillé pur ne fut ajouté.
Certains sommeliers et gourous du saké opposent les Junmai aux Aruten (contraction de arukorutenkazake アルコール添加酒), c'est-à-dire les sakés additionnés d’alcool. Comme si les sakés étaient soit l’un, soit l’autre. Je préfère opposer les Junmai aux Honjozo 本醸造, les sakés classés auxquels on a ajouté moins de 10 % du poids du riz en alcool à la fin du brassage.
Ce n’est pas parce qu’un saké est sans ajout d’alcool qu’il est un Junmai.
J’exposerai des précisions ici-bas au sujet de ces sakés sans alcool qui ne se qualifient pas en tant que Junmai.
Quel alcool ajoute-t-on aux Honjozo?
Légalement, c’est de l’alcool distillé pur d’origine agricole, le plus souvent fait à partir de sucre de canne.
Il est inséré à la fin de la fermentation, avant l’obligatoire pressage. Le Honjozo n’est pas un saké fortifié; il est ensuite allongé avec de l’eau pour retrouver le niveau d’alcool d’avant l’ajout.
Pour quels effets?
L’ajout d’alcool distillé pur dans le brassin crée un choc chez les levures qui en meurent. C’est la fin de la fermentation.
Ensuite, l’alcool se lie aux acides gras hydrophobes du Moromi pour les dissoudre; comme pour aller récupérer les molécules aromatiques qu’on aurait perdues dans la lie.
Évidemment, il vaut mieux que la fermentation soit déjà terminée, autrement du sucre demeura non transformé en alcool.
De plus, le niveau de certains acides (pyruvique et acétolactique) étant encore élevé, ceux-ci seront transformés respectivement en acétaldéhyde (arôme mentholé) et en diacétyle (saveur de beurre) par les enzymes toujours actives dans la cuve.
Bref, l’ajout d’alcool stoppe la fermentation et dissout les acides du brassin pour former des esters; ce qui augmente la concentration d’arômes et de saveurs dans le breuvage. Une fois, les levures filtrées, les enzymes continuent de décomposer les protéines et les acides aminés pour former encore plus d’éthyles pendant la période de maturation.
D’où ces différences entre les JUNMAI et les HONJOZO :
Pour les JUNMAI,
Généralement, l’umami et les saveurs du riz y sont mieux affirmés puisque les acides aminés ne sont pas estérifiés par l’alcool distillé pur.
Ils sont plus secs parce que les levures peuvent achever leur œuvre pendant la maturation.
Pour les HONJOZO,
L’estérification des acides gras enrichit le saké de parfums et de saveurs éthyliques, le rend plus aromatique.
À polissage égal, les Honjozo, sont normalement moins chers; le procédé permet au brasseur d’allonger son saké en y ajoutant de l’alcool et de l’eau.
Aussi, grâce au choc alcoolique, les Honjozo demeurent généralement plus stables.
Personnellement, comme je suis de ceux qui prennent leur café noir et leur yogourt nature, je préfère les Junmai, généralement mieux structurées; j’aime le goût du riz, alors que les arômes de fruits et d’herbes me semblent parfois incongrus.
Par contre, l’ajout d’alcool améliore souvent les Ginjo en leur donnant plus d’arômes. Cela compense l’umami perdu, celui qu’auraient créé les protéines du riz enlevées au polissage.
LES FAUX JUNMAI
Je reviens sur ces sakés qui ne sont ni Junmai ni Aruten.
Pour pouvoir être considéré Junmai, il faut d’abord que le Nihonshu soit un TOKUTEI MEISHOSHU (特定名称酒), c’est-à-dire un Nihonshu classé.
Pour ce faire, il doit respecter toutes les conditions suivantes :
Le riz doit être un Shuzokotekimai 酒造好適米 (riz à saké reconnu par l’agence de taxation japonaise) de première qualité (Ittô一等), de qualité spéciale (Tokutô 特等) ou de qualité spéciale supérieure (Tokujo 特上);
Le poids du Komekoji (米麹 riz inoculé de Koji) représente au moins 15 % du poids total du riz utilisé pour fabriquer le saké;
Et qu’il ne contienne aucun additif.
Si le saké ne respecte pas tous ces critères, même s’il n’a pas d’alcool ajouté, il demeure un saké ordinaire (Futsushu 普通酒).
C’est le cas de plusieurs Komedake no sake 米だけの酒 que l’on peut traduire par saké fait uniquement de riz. Bien qu’aucun alcool distillé leur fut ajouté, ce sont souvent que des Futsushu (non classé). C’est qu’ils sont soit faits avec du riz de qualité inférieur, soit avec trop peu de Koji, soit qu’ils contiennent un additif.
L’additif le plus couramment utilisé est le dextrose, sucre simple fermentescible. Donc, plutôt que d’allonger le saké avec de l’alcool, on l’allonge avec de l’eau et du dextrose qui deviendra alcool. Ce raccourci n’est pas dangereux, mais donne au saké un arrière-goût cidreux.
Il faut savoir que le classement des Nihonshu par l’agence de taxation japonaise est inutile pour deviner le goût du saké ou pour désigner un terroir. Ça n’a rien des pastilles de la SAQ ou des classements des vins par AOC.
Il sert à priser le produit. Un consommateur s’attend à payer un Junmai Daiginjo plus cher qu’un Futsushu pour lequel un brasseur a utilisé des produits de moindre qualité ou des procédés plus faciles.
L’appellation Komedake no sake 米だけの酒 fut employée pour la première fois en 1998 par la brasserie Sawanotsuru 沢の鶴 (une des plus grandes du Japon) qui inventa un procédé pour éliminer les gras et les protéines indésirables du riz dans le Moromi sans avoir à polir les grains au préalable. À l’époque les Junmai devant avoir un seimaibuai de 70 %, Sawanotsuru imagina cette dénomination pour indiquer que ses sakés (non Junmai parce que le riz n’est pas poli) n’étaient pas des Aruten. Les succès commerciaux des Komedake no sake de Sawanotsuru ont entraîné d’autres brasseurs à utiliser ce procédé et cette appellation encore source de confusion chez les consommateurs.
Depuis l’agence de taxation a enlevé l’obligation pour les Junmai d’avoir un seimaibuai de 70 %. Ainsi, les brasseurs qui préfère nettoyer le Moromi des protéines et des lipides indésirables du riz plutôt que procéder par polissage respectent le cahier de charge afin que leur Komedake no sake 米だけの酒 puisse être classé Junmai.
Si pour d’autres raisons, le Komedake no sake ne respecte pas les conditions pour être classé Junmai, l’agence nationale de taxation exige pour leur commercialisation au Japon qu’il soit inscrit « ceci n’est pas un Junmaishu 純米酒ではありません » dans une taille minimale de 8 points (environ 2,8 mm de hauteur) sur l’emballage (la plupart de ces produits sont vendus en boîtes Pure-Pak d'un litre) tout en permettant d’inscrire 米だけの酒 en gros caractères.
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