SA PASTEURISATION 火入れ
C'est autrement que par l'ajout de sulfites que les Japonais assurent la conservation de leurs sakés.
Pendant le brassage
Le saké est traditionnellement brassé pendant les mois froids de l'hiver. Surtout chez les brasseurs artisanaux avec lesquels je fais affaire. De lancer la saison de brassage à la fin octobre, après les récoltes de riz, leur permet de tenir la communauté active; les artisans du Kura étant souvent les fermiers qui travaillent à la culture du riz. ⠀
Par temps froid, il y a moins de contaminants dans l'air et les microorganismes sauvages sont tenus en dormance.
Aussi, les brasseries de saké appliquent une hygiène stricte. Lorsque je les visite pendant l'hiver, ils s'inquiètent toujours que j'aie mangé des aliments préparés avec des microorganismes pendant les 24 heures précédant la visite - en particulier le nattō (fèves de soja fermentées), mais aussi le yogourt et le Calpis.
Après le brassage
Une fois le brassage terminé, la fermentation est arrêtée par pasteurisation. Le saké est chauffé brièvement à environ 65 °C, soit en le faisant passer dans des tuyaux immergés dans l'eau chaude, soit en immergeant les bouteilles dans l'eau chaude. Celui-ci est suffisamment chaud pour tuer les microorganismes, dénaturer les enzymes et arrêter toute activité supplémentaire qui altérerait le caractère du saké.
Pour sa préservation, le saké est donc pasteurisé.
Hé oui! Comme le lait. Et deux fois plutôt qu'une.
Normalement, les sakés sont chauffés à 65 °C pour être aussitôt refroidis.
Une première fois après le filtrage (avant la maturation en cuve) et une seconde, lors de l’embouteillage.
Après la fermentation, le saké circule pendant un bref instant à travers un serpentin baignant dans une cuve d'eau chaude. Les enzymes et les microorganismes subissent un choc thermique qui les détruit.
HIIRE 火入れ
La pasteurisation fait partie du processus standard de fabrication des sakés — en fait, la norme est la double pasteurisation. Une première pasteurisation après le filtrage, lors de sa mise en cuve pour maturation (2 à 6 mois), et une seconde, lors de l’embouteillage.
En japonais, ce procédé s'appelle 火入れ (hiiré), littéralement, c'est la mise à feu.
Au XIXe siècle, Louis Pasteur qui après des études sur les fermentations, met au point une méthode de conservation des solutions fermentescibles qui consiste à les chauffer à 65 °C pour un court instant. Au Japon, on procède à l'hiiré depuis l'ère Heian (période qui s'étend entre les années 794 et 1185 du calendrier chrétien).
La pasteurisation désactive les enzymes et tue les bactéries (celles qui produisent l’acide lactique notamment) et les levures. L'arrêt de l'activité microbienne et enzymatique stabilise le saké. Il est fixé; sa maturation est ralentie et il se conservera tel quel plus longtemps, même sans réfrigération.
Bien sûr, chauffer le saké à une température suffisamment élevée pour dénaturer les protéines peut altérer sa saveur. C'est pour cela que certains brasseurs vendent des sakés non pasteurisés.
Le NAMAZAKÉ 生酒
Les NAMASHU ou NAMAZAKÉ 生酒 sont des sakés qui n’ont subi aucune pasteurisation. Ils peuvent être appelés aussi simplement NAMA (生 ou な ま), NAMANAMA (生生) ou HONNAMA (本生) .
NAMA 生 peut être traduit par vivant ou cru.
Un saké non pasteurisé est donc vivant et, comme un yogourt, il doit être conservé au frais à tout moment.
Les caractères 要冷蔵 (YÔREIZÔ) apparaissent généralement sur l'étiquette et indiquent la nécessité d'un stockage réfrigéré.
Un saké vivant développe avec le temps une complexité de goût.
Le namazaké a un profil de saveur particulier; herbacé et piquant, et peut également être légèrement pétillant en raison de la production continue de gaz par des levures toujours actives dans la bouteille.
Certaines gens ne l'aiment pas, mais ceux qui l'aiment l'adorent! C'est une question de goût.
Il a souvent une apparence trouble et demande une conservation soignée à basse température et sans lumière, autrement il peut vite développer des saveurs terreuses et des odeurs désagréables de champignons ou de moisissures.
L'obligation de les conserver au réfrigérateur à tout moment fait qu'il y a peu de namazakés disponibles hors Japon. Lors de l'exportation, la multiplication des intermédiaires et la période allongée entre leur sortie du Kura et leur dégustation augmentent le risque de dégradation.
Les namazakés qu'on retrouve ici ont très souvent mal tourné. C'est que les entrepôts et les tablettes de la SAQ ne sont pas réfrigérés, et les caves à vin des restaurants non plus.
Heureusement pour nous, entre la norme à deux pasteurisations et l'absence complète de Hiiré, il existe des compromis qui permettent d'obtenir une conservation satisfaisante.
Deux compromis consistent à utiliser une seule des deux pasteurisations.
Le NAMACHOZO 生貯蔵
Les NAMACHOZO 生貯蔵 sont pasteurisés seulement lors de leur mise en bouteille. C'est premier de deux styles de semi-nama. Puisqu’ils sont encore vivants pendant les 2 à 6 mois de maturation en cuve, ils y développent un riche umami avec un profil herbacé. Parce que la fermentation continue son travail pendant les mois de maturations métamorphosant les sucres résiduels, les NAMACHOZO 生貯蔵 sont généralement très secs.
Le NAMACHOZOSHU 生貯蔵酒 a généralement des arômes et des saveurs qui rappellent le NAMAZAKÉ.
Pour notre plus grand plaisir, parce qu'il fut pasteurisé lors de l'embouteillage, il tolère mieux le voyage et une conservation à la température de la pièce que les NAMAZAKÉ.
Le NAMAZUMESHU 生詰酒
Le deuxième style semi-nama est le NAMAZUMESHU 生詰酒. Les NAMAZUMESHU 生詰酒 sont pasteurisés juste avant leur maturation en cuve, mais ne le sont pas lors de leur mise en bouteille.
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Un brasseur peut sauter cette deuxième pasteurisation et mettre en bouteille le saké une fois pasteurisé directement, et éviter d'altérer le breuvage par cuisson une deuxième fois.
Appellations des sakés selon leur pasteurisation
1er hiire 火入れ
NAMAZUMESHU
生詰酒
2e hiire 火入れ
NAMACHOZO
生貯蔵
NAMAZAKE
生酒
SAKÉ ordinaire
通普の日本酒
oui
oui
oui
oui
non
non
non
non
Le Komaizumi Magokoro Daiginjo NamaChozo 駒泉真心 大吟醸生貯蔵 de Morita shobé, pasteurisé qu'avant sa mise en bouteille, a mûri cru, ce qui lui confère une complexité de goût.
Il est sec, mais très soyeux. Il offre les arômes fruités du Daiginjo et l'umami de l'acide lactique.
Il est recommandé de le servir frais.
D'AUTRES PROCÉDÉS
D'autres procédés permettent de conserver plus facilement les namazakés 生酒 sans réfrigérations, comme la microfiltration ou l'ultrafiltration. La microfiltration à travers des plaques avec des trous d'une fraction de micron éliminera les micro-organismes et arrêtera le processus de brassage, sans cuisson, comme on fait pour lait Purefiltre qui n'est pas pasteurisé. C’est aussi une méthode utilisée par certains vignerons pour réduire l’utilisation de sulfites.
Une autre option est de conditionner le saké sous atmosphère protectrice dans un récipient qui le protégera également de la lumière en remplaçant l'oxygène dans le contenant par de l'azote.
L'alcool ajouté à la fin du brassage dans le cas des Honjozo aide à la conservation. Il a pour effet, entre autres, de stopper la fermentation. Les namas qui ne seraient pas des Junmai seraient plus stables.
L'Akita no Osagekko Nama Junmai Genshu Muchosei
秋田のおさげっこ 生純米原酒無調整 de Asamai Shuzo est un délicieux Junmai (donc sans ajout d'alcool) sans ajout d'eau et sans pasteurisation!
Sa bouteille en verre sombre et sans oxygène permet de conserver et de déguster le meilleur de son caractère Nama.
SERVIR FRAIS
Quel que soit le type de nama, leurs saveurs poivrées et d'herbes s'apprécient mieux lorsqu'ils sont servis frais ou même froids. Ils peuvent même être servis sur glace.
Kampai!